Antoine est Belge, Elodie est Française. Ces deux jeunes backpackers ont vécu un an en WHV Nouvelle-Zélande. Comme beaucoup de voyageurs, ils ont travaillé dans des fermes pour financer leur voyage. Et comme de nombreux backpackers, ils ont été confrontés aux arnaques et escroqueries liées au fruitpicking. De leurs mésaventures, ils en ont tiré un film. Mi-documentaire, mi-fiction, le film retrace l’histoire de Steffen qui, suite à un évènement inattendu, abandonne son van et s’enfuit tout nu dans la nature. Il découvrira alors une vie faite de peu et de rencontre. Nous avons rencontré les réalisateurs. Ils nous en disent un peu plus sur leur film et leur expérience en Nouvelle-Zélande.
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Nous sommes Elodie Fournot et Antoine van der Straeten un couple de réalisateurs Franco-Belges. Nos parcours sont différents, j’ai (Elodie) été photographe à mes débuts avant de devenir journaliste et vouloir écrire autrement qu’avec l’image. De mon côté (Antoine), je suis passionné de cinéma et de technique de l’image. J’ai suivi des études dans ce domaine et je suis devenu réalisateur. J’aime me lancer des défis et les accomplir. Nous sommes des chercheurs de sens par l’image. Cela englobe tous types de projets : la télévision, le web, le monde du spectacle et nous y voici : le cinéma !
Quand êtes-vous parti en WHV Nouvelle-Zélande et pourquoi ?
Nous sommes partis le 4 septembre 2013. Un Paris-Auckland qui, en 24 heures de vol, nous a propulsé à l’autre bout du monde. A ce moment-là, nous voulions nous séparer de nos repères. Nous avions l’impression que nous allions tourner en rond dans nos vies. Nous avions peur de nous formaliser et de perdre le goût des choses. Partir ailleurs, à l’étranger, couper avec tout et recommencer dans un autre contexte pour voir de quoi nous sommes capables, ne serait-ce qu’oser tenter cette aventure. Cela nous a semblé être une bonne idée. Antoine a quitté son CDI, Elodie a prévenu ses contacts de son indisponibilité durant la prochaine année, autrement dit on est reparti de zéro.
Comment vous est venue l’idée du film ?
Lors de cette aventure, nous avons découvert des escroqueries sur les travailleurs étrangers dont les travailleurs en Permis Vacances Travail : travail sans contrat, tarifs horaire minimum non respectés, des intermédiaires qui promettent du travail en vain etc. Petit à petit cette logique amène à des situations extrêmes. Certains travailleurs pauvres se retrouvent obligés de vivre dans des auberges coûteuses qui en profitent, leur passeport confisqué par l’employeur.
Au fil des rencontres, des situations vécues et des témoignages, nous nous sommes dit que nous devions faire quelque chose. La rencontre avec le peuple des îles Salomons a été l’élément déclencheur. Nous nous devions de faire quelque chose pour eux.
Plus généralement dans les mésaventures nous pensons à tous ceux qui n’osent pas dire « non » devant certaines injustices. Pour que cela change, il faut que cela se sache. Pour celui qui part en Working Holiday Visa, il y a des pièges facilement contournables à éviter. Le film montre quelques issues et surtout amène ce problème sur la table
Dans le synopsis, on lit « Suite à un événement inattendu, il abandonne son van et s’enfuit tout nu dans la nature ». Peut-on en savoir plus sur cet événement ? Réalité ou fiction ?
C’est à la fois une métaphore et des événements réels qui nous ont inspirés le début de ce scénario. Steffen dort dans son van et quelque chose le pousse à s’enfuir. Il est nu. Il n’a plus rien avec lui qui le relie à sa vie d’avant. C’est une façon de marquer le nouveau départ.
A la question de qu’est-ce que la réalité ou la fiction ? Il s’agit d’une scène de fiction inspirée de faits réels. On évoque un vol de van, nous même en avons été victime la semaine de notre arrivée. Le sac d’Elodie contenant toutes ses affaires a été dérobé ne lui laissant que ce qu’elle portait sur elle. Nous avons rencontré une fille dont la fenêtre de son van a été brisée pendant qu’elle y dormait (toute nue). C’est elle qui a fait fuir les voleurs. En revanche, on ne connaît personne qui s’est enfuit tout nu dans la nature. L’idée est que Steffen recommence à zéro, vraiment à zéro.
Vous parlez des bons et des mauvais côtés d’un WHV en Nouvelle-Zélande. Pouvez-vous nous donner un exemple de chaque ?
Il y a une infinité de réponses. Pour nous les meilleurs côtés sont : l’aventure, vivre une expérience de vie en dehors de sa zone de confort, découvrir des paysages, une culture différente, la richesse de la différence qui nous rend si semblable, un rythme de vie, des belles rencontres, des amitiés, etc… Les mauvais côtés, c’est surtout les mésaventures qui influencent nos réflexes et nous rendent méfiant pour un temps. Notre naturel à être confiant diminue un peu. C’est dommage ! Être méfiant, ce n’est jamais agréable.
Vous filmez des moments difficiles (arnaques aux backpackers). Cela vous a-t-il attiré des problèmes ?
Non car nous avons été extrêmement vigilants. Nous avons filmé ces parties en caméra cachée sans être jamais découverts. Une seule fois on nous a vu filmer avec un appareil photo après qu’une partie de l’équipe ait été « licenciée » mais de toute évidence ils ne se sont pas douté du dispositif réel qui était mis en place. Nous avons également filmé de façon à garder l’anonymat des escrocs. Nous pensons qu’il est peu probable qu’ils sortent du bois car la réalité ne va pas à leur avantage. Nous précisons que nous avons décidé de garder leur identité secrète pour éviter le phénomène de bouc-émissaire. Il s’agit d’un problème global et non d’un cas isolé.
Des anecdotes / secrets de tournage à nous confier ?
Lorsque l’on travaille avec le réel, il y a beaucoup d’inattendus. Pendant les caméras cachées par exemple, comme Steffen pose beaucoup de questions, il est dans le collimateur des employeurs. De plus, comme il veut bien faire, il ne travaille pas très vite. En effet nous voulions qu’il représente l’employé sérieux et voir à partir de là ce qu’il se passe. Sa chef lui donne un avertissement et comme il n’arrive pas à aller plus vite, elle lui dit d’aller la voir à la prochaine pause. A ce moment-là, nous pensons qu’il va se faire virer dès les premières heures du travail. A la pause, Antoine reste avec Steffen pour filmer ce qu’il se passe. La superviseuse interpelle Antoine, lui demande son nom et lui dit qu’il est viré. Elle ne dit rien à Steffen, c’était incompréhensible. C’était exactement ce à quoi nous avions assisté, des semaines auparavant, lors de notre immersion. Il y avait beaucoup de pressions sur les travailleurs. D’autres ont été virés, comme moi, sans raisons apparentes.
Secret de tournage toujours, au niveau technique nous avions toujours des garde-fous. Nous doublions, voir triplions les sources d’enregistrement : deux à trois caméras, plusieurs micros… Du coup nous avons pu finir cette séquence sans trop de problèmes.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
On en a rencontré énormément. Faire un film est une constante résolution de problèmes. Il y a les problèmes d’ordre logistique, pour loger et nourrir 7 personnes pendant un mois et demi tout en bougeant quotidiennement par exemple. Mais il y a aussi les problèmes du quotidien : des acteurs qui ne se présentent pas, des lieux de tournages annulés à la dernière minute, le début d’une tornade – vraiment – ou encore la route unique qui mène dans le nord de l’île bloquée par un accident. On attend 6 heures, le temps de voir une belle nuit étoilée s’abattre sur nous et de chercher un coin où se loger en urgence. Enfin il y a toutes les difficultés inhérentes au processus documentaire qui fait que ce qui est prévu n’est pas spécialement ce qu’il se passe.
Quel a été votre meilleur souvenir / pire souvenir de tournage ?
Il y en a plein ! Dans les pires nous pourrions citer une grosse tempête qui nous a pris par surprise. Malgré la pluie battante, nous décidons de tourner dans ces conditions dures pour l’équipe et le matériel. Le soir, en revoyant les images, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une incohérence dans le dialogue mais… comme la météo était différente le lendemain, on a du tout recommencer ! Dans la catégorie des bons souvenirs, pour nous un des beaux moments, c’est la scène où Steffen part de chez Alastair. Dans la vraie vie c’était aussi le moment où nous allions partir de chez lui. Pendant que nous filmions Al qui regardait Steffen partir, Wego, le chien de Al s’est mis à pleurer. C’était très émouvant.
Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté d’un point de vue personnel et professionnel ?
Au point de vue professionnel, ça nous a permis d’acquérir des compétences, tant au niveau technique qu’au niveau humain. Manager une équipe, répondre et gérer toutes les difficultés techniques sont autant de compétences qui nous sont très utiles au quotidien. C’est une expérience très formatrice. Au niveau personnel, faire un long métrage, c’est un rêve qui s’accompli, c’est oser, et c’est y arriver.
Où en êtes-vous aujourd’hui (professionnellement/personnellement) ?
Aujourd’hui nous avons trouvé un port d’attache à Bruxelles. Nous sommes réalisateurs mais désormais avec un état d’esprit et une quête de sens différents. A la fin de notre année en Nouvelle-Zélande, nous ne savions pas encore quelle serait l’étape suivante. Nous avons évalué les destinations qui nous plaisaient selon différents critères tel que la vie sociale, les possibilités de travail, etc. C’est la Belgique qui l’a emporté !
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes voulant faire un WHV en Nouvelle-Zélande ?
Oser ! Oser partir, aller vers l’étranger et l’inconnu, oser se lancer dans des projets fous, se dépasser. Mais aussi oser poser des questions quand la situation semble anormale et oser ne pas se laisser faire.
Une dernière chose à ajouter ?
Le film est fait par des voyageurs, pour des voyageurs. On espère qu’ils seront nombreux à être touchés et inspirés par l’histoire de Steffen, qui est aussi la nôtre !
Regardez la bande annonce du film Working Holiday Visa
Le film sera diffusé à partir du samedi 24 octobre. Vous pouvez toutefois le précommander en suivant ce lien : http://bit.ly/1NaeNAa